deux "guérisons" non miraculeuses
mais assez spectaculaires quand même

ou

quand observation et déduction se donnent la main
l'IMpossible
perd la tête

 

Date: Mon, 16 May 2005 16:57:38 +0200
From: Jean-Philippe Gé <......@free.fr>
To: mglist@femiweb.com
Subject: [mglist] B(r)ouillon hippocratique

B(r)ouillon hippocratique
-------------------------

Le 18:25 14/05/05, Dominique Dupagne sur le fil "diététique et coups de pied 
aux cultes" n'écrivait pas que des compliments :

> C'est toujours intéressant de te lire. Si nous n'avions pas bataillé il
> y a bien longtemps sur le silicium biologique, j'aurais même tendance à
> prendre plus au sérieux tes réflexions (...)

Les esprits coincés dans des boîtes crâniennes inconfortables ont toujours du mal
à se rencontrer. Manque de culture initiale ou erreur de pédagogie finale ?

Puisque tu as l'air de réclamer de l'obscur qui, vu sous un angle biais, laisse
quand même passer de la lumière, je ne veux pas te décevoir. Tiens, voici un
drôle de cas clinique. Et comme j'ai cru comprendre que le silicium
t'interpellait toujours, je vais t'en servir un plat. Je te conseille aussi
d'imprimer car c'est un peu long. Et puis tu liras mieux entre les lignes de
cet exercice maïeutique.

Il y a quelques jours, j'ai tenté de prendre la parole dans une réunion où des
mandarins réunis en assez grand nombre 'pontifiaient' sur "génome et maladies
génétiques" passant en revue, sans trop s'en gargariser, les succès (?)
français en ce domaine. Au programme entre autres, Jean-François BACH (Necker)
qui a proposé des corrélation intéressantes, Alain FISCHER (Necker) et ses
essais arrêtés mais surtout Jean-Yves LALLEMAND (Polytechnique) qui avec Gérard
LENOIR (Necker) tente un approche alternative originale dans la mucoviscidose.
Il s'agit d'une découverte véritablement passionnante faite à la suite d'une
observation clinique fortuite. Un jeune patient atteint de mucoviscidose et
d'un fibrosarcome avait été soulagé complètement et durablement (3 ans) de sa
maladie génétique sous l'effet de sa chimiothérapie (épirubicine et
cyclophosphamide). En fait, c'est l'augmentation d'expression de la protéine
MRP qui compensait le fonctionnement déficient de la protéine CFTR mutée. CFTR
ne serait plus considéré exclusivement comme un canal chlore mais comme
transporteur ABC ayant pour rôle principal en dehors de celui de transporteur
trans-épithélial, un rôle important de détoxification de la cellule associée au
glutathion. Un essai clinique avec la colchicine a été initié. Voici un résultat
assez ancien disponible en français :
http://pro.gyneweb.fr/Sources/congres/jta/01/ped/LAURANS.HTM

L'approche alternative, voila mon propos.

Il se trouve que j'ai observé un résultat presque 'miraculeux' dans une syndrome
de MARFAN, maladie génétique du tissu conjonctif la plus fréquente. Ce syndrome
décrit par Bernard MARFAN en 1896 a pour origine la mutation d'un composant
important du tissu conjonctif, la fibrilline type I (pour simplifier) avec
désorganisation majeure de l'élastine à laquelle elle est étroitement associée.
[Dietz & al. Nature (1991)352:337-9]. Selon le morceau de gène touché et la
mutation en cause, plusieurs centaines de situations peuvent se rencontrer et
l'expression phénotypique de la maladie sera donc très variable même s'il
existe des formes cliniques prédominantes que nous connaissons tous. Souvent
les individus atteints sont (très) grands, sans forcément être des géants.
Ainsi Amenophis IV, Rachmaninoff, Paganini, Lincoln qui apparemment n'ont pas
porté ce trait génétique comme une tare insurmontable. Et bizarrerie
supplémentaire, si cette maladie se transmet bien sur un mode autosomique
dominant, dans 15 à 30 % des cas, elle résulte d'une mutation de novo. Tout se
passe comme s'il existait une pression faible mais constante de l'environnement
pour favoriser l'émergence... L'émergence de quoi donc ? D'hommes toujours plus
grands ? Allons, allons, ne rêvons pas trop la tête dans les nuages, sinon les
étoiles. Et bêchons davantage notre jardin, les pieds touchant bien par terre,
sinon enfoncés dedans.

En fait, je me demandais depuis un moment si les personnes atteintes du trait de
MARFAN n'avaient pas des besoins en silice augmentés (ou détournés), puisque
c'est le tissu élastique qui contient le plus de cet élément assez méconnu. Et
si la maladie de MARFAN se caractérise bien par des atteintes,
cardio-vasculaires, musculo-squelettiques, oculaires, cutanées, pulmonaires,
dentaires, etc. le silicium lui est nécessaire
. à la croissance de l'os (concentration importante au niveau de la bordure
ostéoïde, remplacé par l'aluminium dans certaines formes d'ostéomalacie) mais
absent dans l'os mature ;
. il participe aussi à la solidité des ligaments et tendons, qui sont hyperlaxes
dans la MdM ;
. présent en quantités énormes dans l'oeil. MdM : anomalie ligament suspenseur
du cristallin (très riche en fibres élastiques) --> luxation
cristallin ;
. son insuffisance est plus que suspectée comme cause des vergetures (MdM) ;
. très diminué dans la paroi artérielle corrélativement avec l'élastine (perte
de compliance) selon la gravité de l'artérioclérose (travaux de
LOEPER). MdM : affaiblissement structure artérielle : coartaction, anévrysme,
fissuration.
. impliqué dans la silicose (surcharge) et très probablement dans l'emphysème
(par déficit ou hyperconsommation. J'ai quelques hypothèses à ce sujet). Or
assez régulièrement dans MdM : emphysème et pneumothorax ;
. la pousse des phanères (ongles, cheveux, dents, plumes) est très dépendante de
la silice. MdM : défauts d'implantation dentaire.
. des poulets ou des rats élevés en absence presque totale de silice (très
difficile à réaliser totalement ne serait ce qu'à cause des poussières de l'air
qui contaminent tout...) pèsent 30% de moins à l'âge adulte et sont comme des
nains. Une génétique de géant pourrait-elle se trouver handicapée par des
apports alimentaires limites en silicium assimilable, qui pèseraient sur la
pénétrance extrêmement variable de ce syndrome ? Tel était donc mon
interrogation, appuyée sur un faisceau convergent de présomptions, dont aucune
n'est véritablement une preuve

Une connection silicium-élastine-maladie de MARFAN m'apparaissait donc possible.
Méritait-elle une évaluation en l'état ? Certainement pas. Revenons plutôt à du
concret. Et au fortuit arrangé...

Il s'agit d'un homme encore jeune qui sort de dix jours de réanimation pour un
pneumopathie bien costaud, secondaire à une fausse route, conséquence elle-même
d'une accident vasculaire cérébral. Après les prothèses de valves cardiaques, la
prothèse aortique, ce patient avait continué dans les complications vasculaires
bien connues de la maladie de MARFAN. Il est très mal en point, très peu
réactif, quasi-comateux en fait, trachéotomisé, avec une sonde d'alimentation
par gastrostomie. Il souffre également d'une diarrhée qu'aucun traitement
hospitalier ne soulage. Il s'affaiblit. Le chef de clinique de la réa avait
même osé un pronostic à sa femme (ce qui n'est jamais très malin) : «Votre mari
est un légume, et va le rester.»

Comment faire cependant ? Faut-il même se battre, quand le jeune oracle
hospitalier, qui se présenterait presque comme 'omniscient', a parlé ? Mais
puisque la maxime "Ne pas essayer c'est déjà échouer" fait partie de ma
philosophie de base, je n'allais quand même pas adhérer sans réfléchir 'un peu'
à cette sorte de médecine imbécile, servie par des exécutants (exécuteurs ?)
sans mémoire et sans culture, et dangereuse ô combien, car elle n'est
construite que sur des abandons et des insultes à l'avenir.

L'eau de riz est réputée être efficace dans les diarrhées, le bouillon de
légumes aussi. Et l'eau gélifiée est indiquée dans la rééducation des troubles
de la déglutition qui commencent à récupérer. Et hop ! Aussitôt pensé, aussitôt
réalisé. La femme de ce patient concocte la préparation ternaire chez elle,
parce que l'AP-HP pour ce genre de recette 'hippocratique' quasi-chamanique, il
ne faut pas trop y compter... Et puis l'avis du CCPPRB manquera toujours. En
même pas 36 heures, la fuite est réglée. No big deal. Nos grand-mères
souriraient.

Ce patient cachectique, hémiplégique, avec une triple rétraction de la jambe, du
genre à ne jamais se corriger (le kiné 'pronosticateur', sinon procrastinateur,
dixit), commence pourtant à récupérer à la vitesse grand V. La P.H. qui pensait
que nous en aurions pour 4 à 6 mois avant d'éventuellement le passer en soins de
suite en hôpital périphérique pousse de grands soupirs de soulagement : le
service de rééducation neurologique voisin prend notre malade au bout de 3
semaines.

Mais cette évolution inhabituelle me troublait fort et je soupçonnais autre
chose. Il se trouve que le riz, le bouillon de légumes et la gélatine sont
riches +++ en SILICE. L'association n'avait pas donc pas forcément été faite au
hasard... Éthique tout cela ? Ce genre de spéculations plus ou moins gratuites,
qui ne cassent habituellement pas trois pattes à un canard, n'engage pas à
grand-chose. Cela donne aussi l'impression de pas être seulement spectateur de
drames qui nous dépassent presque toujours.

La silice a une autre propriété peu connue, c'est qu'elle étanchéifie les
membranes biologiques. L'expérience est simple : mesure du débit d'une colonne
d'eau qui suinte à travers une aponévrose. De la silice est rajoutée dans
l'eau, qui s'arrête de couler. Ceci est tiré d'un très 'vieux' papier dans
Nature ou Science, à la méthodologie imparfaite (pas de double aveugle...) que
j'espère tu ne considéreras pas comme trop périmé (la référence exacte n'est
pas sous la main, mais si tu la réclames fort, j'irai fouiller). La silice a
même été utilisée pour tanner les cuirs. En fait elle a une très forte affinité
pour le collagène et c'est un co-facteur de la proline-hydroxylase (avec fer et
vitamine C), l'hydroxyproline permettant au collagène de s'hydrater
correctement. Elle est également présente dans les 'tight junctions' (jonctions
serrées) des épithéliums. Et l'interleukine-2, qui a une affinité exceptionnelle
pour la silice (travaux personnels datant de plus de 20 ans), fait gonfler des
oedèmes énormes (10-15 kg) en quelques jours de traitement comme si précisément
l'IL-2 chélatait tous les joints d'étanchéité. Alors silice-eau de riz-diarrhée
pourquoi pas ?

Donc avec l'eau-de-riz/bouillon-de-légumes/gélatine j'avais tenté de jouer sur 2
tableaux : fuite hydrique et maladie génétique. Et mon patient avait gagné !
Mais quoi donc ? Un répit peut-être. Et moi ? Beaucoup d'interrogations
supplémentaires finalement et beaucoup de frustrations. Comment avoir la
moindre certitude de quoi que ce soit ?

Dans ce genre de mixture culinaire il y a tellement de choses qui peuvent
rentrer en jeu, que bien fou celui qui prétendrait discerner le pourquoi du
comment. Et puis le patient se réalimentant normalement, je n'allais quand même
pas recommander cette gelée ad vitam... J'aurais eu l'air de quoi franchement ?
Du coup, (pour faire un peu plus savant ?) j'ai conseillé une prise de silice
très modérée (cela se trouve assez facilement à commencer par le DISSOLVUROL en
pharmacie, mais pas seulement) dont le risque était a priori exactement nul.
Manger assez de pommes n'est pas inutile aussi (la pectine), ou d'autres
céréales complètes, certaines eaux minérales, etc. Plus ou moins régulièrement
j'allais suivre les progrès de mon rescapé. Trois mois se passent. Je lui rends
visite et le cherche. Il n'est plus dans sa chambre. Il est installé à la
cafétaria.

Et...

...je ne le reconnais pas.

Ce patient de 48 ans qui depuis l'âge de 18 ans portait chauve, avec une mince
couronne de cheveux blancs, présentait un cuir chevelu étrange : des cheveux
parfaitement pigmentés poussant drus partout. Et il souriait.

Observation rare sinon curieuse, donc !
Qui ne prouve pas grand-chose finalement.
Un cas incontrôlé en plus, et perdu de vue malheureusement
(tout sauf du double aveugle tiré au sort)
Cependant, admets qu'il y a de quoi être perplexe.

Bien sûr, je n'ai pu aller au bout de l'exposé du cas (très abrégé par rapport à
ce développement) dans cette réunion où se sont mis à vociférer quelques
mandarins grandes g......, méprisants, sinon mal élevés, qui ont finalement eu
raison de mon audace (?). Comment un généraliste, annoncé comme tel, pouvait-il
oser interrompre leurs hautes réflexions et prétendre exposer un banal cas
clinique ? La vraie Science aujourd'hui, Môssieu, ne se pense pas comme ça. La
secrétaire de l'assemblée est venue plus ou moins s'excuser en m'expliquant que
... (et patati, et patata). Je n'en ai rien cru. Il se trouve qu'au moment de la
pause j'étais allé demandé au Président de la séance (un cardiologue !) si je
pouvais m'exprimer après Jean-Yves LALLEMAND pour proposer éventuellement une
piste de réflexion. L'analyse objective oblige à constater que ce coq plus si
jeune, mais portant toujours beau, s'est fait déborder par sa basse-cour, où
sévissaient quelques-uns de ces grands mâles solitaires et hargneux, que l'on
appelle retraités émérites, sans aucun doute frustrés d'avoir perdu leurs
hardes de biches aux vertus réputées apaisantes.

Quand s'est terminé cette réunion, un seul, à qui il restait sans doute quelque
'saine' curiosité, s'est enquis du fin mot de l'histoire. Ce membre de
L'Académie de la rue Bonaparte (tout de même), qui a dû être un fin
sémiologiste autrefois, tire la même leçon. Inattendu et plus que troublant. À
ne pas renouveler trop souvent cependant. Sinon, "ils" ne pourront plus penser
notre futur sur des bases "solides".

La médecine prédictive probabiliste et ses promesses (trop) grandioses,
- qui décrira bientôt à la naissance l'espérance de vie adéquate des mômes
braillards*** en fonction de leur patrimoine génétique forcément imparfait,
s'accompagnera aussi de la signature préalable par les futurs parents du
formulaire euthanasiant avec consentement éclairé, donnant bénéfice pour une
forte réduction sur le lait de croissance (cf. discussion précédente)
pour l'aîné qui a eu plus de chance
-
remplace enfin complètement l'observation clinique complète et la démarche
interniste structurée et rigoureuse servies par une culture scientifique
élargie, capables tout aussi bien - mais avec beaucoup plus d'économies de
moyens - de faire germer les progrès les plus inattendus.

*** avec contrat personnalisé et corrélé d'assurance vitale, et fin de vie
gérée-niquée, pour que leurs soins terminaux n'amputent plus les bénéfices
boursicoteurs de la nouvelle gouvernance économique.

Tous les pouvoirs, quel qu'ils soient, ne détestent-ils pas ces hasards qu'ils
ne maîtrisent pas et qui font hoqueter leurs mécaniques brinquebalantes mais
supposés bien huilées tout de même, dont les vis (vices ?) fragiles ne sont
bien dissimulées que pour éviter les 'vandalismes' forcément terroristes ?

La silice serait-elle un grain de sable hasardeux ?
(ou un roulement à billes...)

En guise de conclusion
----------------------
Belle histoire. Non ? Bientôt, quand il aura l'âge de choisir les services qu'il
veut rendre à la communauté, je la raconterai à mon fils, bien embarrassé par
ses 2 parents généralistes. Et je lui recommanderai surtout d'envisager
d'exercer le même art que son grand-père : vétérinaire. Vétérinaire, le dernier
des omnipraticiens sioux, rusé comme un mohican ! Je lui demanderai aussi de
méditer la demande de cet éleveur à mon paternel : « Venez donc voir le fiston.
Le médecin vient de passer et ce qu'il a dit, ça ne va pas. » Un seul coup
d'œil a suffi : tétanos ! Qui a même été sauvé. Le maquignon avait l'œil pour
juger les bêtes savantes.***

Auto-suggestion finale
----------------------
Animation pour un prochain Généthon
Soupe populaire, place du Panthéon
En face de l'Hôtel des Grands Hommes
Au menu : potage Giacometti°°° et pommes¨¨¨

La discussion est ouverte (ou rouge ?).

--
jp Gé
http://sili.cium.free.fr
pour des lectures toujours plus stimulantes

You cannot move mountains if you believe them to be mountains.
You must think of them as collections of small stones,
Which can be moved one at a time, and then reassembled.
-- The Tao of Meow --

 

°°° Giacometti, ce fin sculpteur
dont les figurines longilignes
frappent et l'esprit et le cœur.
Seraient-elles de notre futur, un signe ?

¨¨¨¨ La soupe fait bien grandir,
et les pommes réduisent aussi
la fracture sociale. NON ?

*** Depuis l'émission de ce message sur le forum mglist, j'ai réinterrogé mon père sur le cas clinique évoqué. À l'époque (milieu des années 50) il venait d'arriver en Bretagne pour s'installer en rural. Le jeune gars (25 ans) avait déjà été vu par trois ou quatre médecins qui séchaient. 

« Si votre fils était un cheval, je lui ferais certainement un sérum anti-tétanique. »

Le signe qui a fait la différence en la circonstance : un nystagmus vertical.

La clinique médicale vétérinaire a toujours été d'une finesse incroyable, puisqu'ils arrivent dans un nombre non-négligeable de circonstances à faire le diagnostic à 5 mètres de distance. Bref, ils savent observer. Les médecins devraient bien en prendre de la graine.

Et j'ai grandi au milieu de tout cela, accompagnant mon paternel bien avant l'âge de raison. Tous ces vêlages et poulinages qui ont littéralement fasciné mon enfance ont formé chez moi un état d'esprit un peu particulier. Tout vivant un peu fragile est destiné à grandir encore un bon moment pourvu qu'il soit bien entouré quand il faut.

Bref, faites confiance à votre médecin généraliste quand il vous observe et vous écoute, sans rien dire. Il réfléchit à votre cas !

 

http://sili.cium.free.fr/brouillon_hippocratique.htm
Création le 21 juin 2005
 Dernière mise à jour le 21 juin 2005