SILICATES

Les silicates et les différentes formes de silice qui s’y rattachent ont une importante industrielle et géochimique considérable. Ces minéraux, matières premières des industries du bâtiment, de la verrerie, de la céramique, et constituants des laitiers métallurgiques, forment la quasi-totalité de l’écorce terrestre. Ce sont, pour la plupart, des solutions solides dont la synthèse et l’interprétation des analyses chimiques sont différentes de celles des autres composés inorganiques. C’est la détermination, à partir de la diffraction des rayons X, des structures atomiques de ces composés cristallisés et les synthèses faisant intervenir des minéralisateurs (et, en particulier, l’eau agissant à des températures et à des pressions élevées) qui ont résolu les énigmes de ce chapitre de la chimie minérale. On ne considère plus les silicates comme des sels d’acides siliciques, mais comme des assemblages de tétraèdres quasi réguliers (Si, Al)O4, dont les centres sont occupés par des ions silicium ou aluminium, et les sommets par des ions oxygène.

Dans les tectosilicates, les tétraèdres forment une charpente tridimensionnelle (Si, Al)x O2x, dans laquelle chacun des atomes d’oxygène est commun à deux tétraèdres. Quand les centres des tétraèdres sont tous des atomes Si, les charpentes, électriquement neutres, ont pour formule SiO2 et correspondent aux différentes formes de silice  telles que le quartz, la tridymite et la cristobalite [cf. SILICE]. Si une partie des atomes Si est remplacée par des atomes Al, la charpente constitue un macroanion dont la charge négative est compensée par des cations, comme dans les feldspaths, les plus importants des silicates, les feldspathoïdes, les zéolites, toujours hydratées, auxquelles les charpentes très ouvertes confèrent des propriétés physico-chimiques particulières en ce qui concerne l’échange des cations et la mobilité de l’eau. Les phyllosilicates  (micas, chlorites, minéraux des argiles, etc.), à clivage facile, sont caractérisés par des feuillets plans de tétraèdres associés par trois de leurs sommets. Dans les inosilicates, les tétraèdres s’associent pour former soit des chaînes simples comme dans les pyroxènes, soit des chaînes doubles comme dans les amphiboles. Dans les sorosilicates, les tétraèdres constituent des groupes finis; le plus simple, comprenant deux tétraèdres, se trouve dans de nombreux silicates tels que l’épidote; le groupe peut être un anneau de tétraèdres: ce sont les cyclosilicates  tels que le béryl. Dans les nésosilicates, tels que les péridots (olivine), les grenats, les tétraèdres sont indépendants.

1. Importance et nature

Rôle géochimique

Si l’importance économique des silicates est considérable, leur rôle géochimique est essentiel. Ils forment plus de 90 p. 100 en poids de l’écorce terrestre. Les nombreuses données statistiques sur la composition chimique de la partie superficielle, en particulier celles qui ont été obtenues par F. W. Clarke et H. S. Washington (1924) se rapportant aux roches éruptives, peuvent être présentées sous forme condensée dans le tableau ci-contre.

Les roches sédimentaires et les roches métamorphiques, qui proviennent principalement de la transformation des roches éruptives, sont beaucoup moins abondantes et ont presque la même composition chimique: les actions d’oxydation, d’hydratation, de carbonatation de l’atmosphère altèrent très peu la composition de l’ensemble. Il en résulte que huit éléments chimiques seulement se combinent pour former pratiquement toute la masse de la lithosphère qui est directement accessible à l’analyse chimique. L’oxygène prédomine largement avec 46,60 p. 100; puis vient le silicium avec 27,72 p. 100. Ces deux éléments interviennent donc pour les trois quarts de la masse de la lithosphère. Les six autres éléments chimiques sont l’aluminium avec 8,13 p. 100, le fer 5,00 p. 100, le calcium 3,63 p. 100, le sodium 2,83 p. 100, le potassium 2,59 p. 100, le magnésium 2,09 p. 100; tous les autres éléments chimiques ne comptent, pondéralement, que pour 1,41 p. 100. En attribuant à l’ion oxygène, un rayon de 0,132 nm, V. M. Goldschmidt fait remarquer que les atomes d’oxygène occupent 90 p. 100 du volume de la lithosphère; ces atomes ionisés sont liés entre eux par les cations, qui sont essentiellement Si, Al, Fe, Ca, Na, K, Mg, pour former des silicates et la silice. Les plus abondants – plus de 60 p. 100 en poids – sont les feldspaths, aluminosilicates de potassium, de sodium et de calcium; viennent ensuite les pyroxènes et les amphiboles (env. 17 p. 100), puis le quartz (12 p. 100), les micas (4 p.100). Les silicates sont aussi les constituants essentiels de l’ensemble des météorites, sous la forme, le plus souvent, de l’olivine et d’un pyroxène; dans leur composition pondérale moyenne, fournie par Goldschmidt, les éléments chimiques qui comptent pour plus de 1 p. 100 sont: l’oxygène (32,30 p. 100), le fer (28,80), le silicium (16,30), le magnésium (12,30), le soufre (2,12), le nickel (1,57), l’aluminium (1,38), le calcium (1,33).

Place particulière en chimie minérale

Jusqu’à une période relativement récente, les silicates ont constitué un des chapitres de la chimie minérale les moins bien connus, car les méthodes classiques d’étude des composés inorganiques ne leur sont pas, en général, applicables. Quand ils peuvent être chauffés jusqu’à leur fusion sans se décomposer, ils fournissent, souvent, un verre au refroidissement, et beaucoup d’entre eux ne peuvent être reproduits au laboratoire à la pression ordinaire. Leur analyse chimique est difficile, car ce sont, presque toujours, des solutions solides dans lesquelles interviennent différents éléments chimiques par le jeu des remplacements isomorphiques. Et la traduction des analyses dans une formule chimique a, pendant longtemps, fait appel aux hypothèses fausses d’acides siliciques complexes. Il en a résulté un divorce entre chimistes et minéralogistes; pour ces derniers, la parenté des propriétés cristallographiques et physiques rapproche, dans une même famille, comme celles des micas et des pyroxènes, des minéraux qui, du point de vue chimique, apparaissaient très différents. C’est la diffraction cristalline des rayons X, entreprise d’abord par W. L. Bragg et ses élèves, qui a réconcilié chimistes et minéralogistes; et la détermination des structures atomiques a eu pour conséquence de faire du chapitre des silicates l’un des plus clairs de la chimie inorganique.

En s’appuyant sur les données des rayons X, Goldschmidt fournit, dès 1924, les dimensions des atomes ionisés, qu’il assimile à des sphères chargées électriquement; les silicates peuvent être envisagés comme des édifices d’anions oxygène, de rayon 0,132 nm, au contact de cations plus petits, liés par les forces électrostatiques de Coulomb. Goldschmidt insiste sur la notion de coordination d’un cation: c’est le nombre des anions qui l’entourent; il est déterminé par le rapport des rayons du cation et de l’anion. Un composé minéral apparaît alors comme un assemblage de polyèdres de coordination .

Cette nouvelle cristallochimie de Goldschmidt a été, par la suite (1929), précisée par les règles de L. Pauling qui associe les deux notions d’électrovalence et de coordination d’un cation avec celle de valence électrostatique, quotient de l’électrovalence par la coordination. L’ion Si4+, de rayon 0,039 nm, a pour coordination 4; il s’entoure de quatre atomes d’oxygène qui forment un tétraèdre SiO4 quasi régulier, le même dans tous les silicates. Et chacun de ces oxygènes est attiré par le silicium central avec une force de liaison plus solide que celles des autres cations avec lesquels il se trouve aussi en contact.

L’aluminium, qui occupe le troisième rang dans l’ordre d’abondance des éléments chimiques, a un rayon de 0,057 nm qui marque la limite où la coordination passe de 4 à 6; il peut donc constituer des tétraèdres AlO4 (et jouer le rôle structural du silicium) ou des octaèdres AlO6. Dans un même silicate, comme certains micas, il intervient avec ces deux aspects, qui, avant l’utilisation des rayons X, ne pouvaient être révélés par la seule analyse chimique.

Classification des silicates

Les industriels des silicates comme les céramistes, les verriers, les métallurgistes (pour les laitiers) utilisent une nomenclature qui traduit commodément la composition chimique de leurs matériaux; elle est fondée sur le rapport du nombre des atomes d’oxygène liés au silicium au nombre des atomes d’oxygène liés aux autres cations. Un rapport inférieur à 1 (comme dans l’andalousite Al2O3,SiO2) caractérise les subsilicates ; égal à 1 (par exemple, la forstérite 2MgO,SiO2), il désigne les monosilicates ; égal à 2 (par exemple l’enstatite MgO,SiO2), les bisilicates ; égal à 3, les trisilicates  (par exemple l’orthose (K2O,Al2O3,6SiO2).

 Des chimistes et quelques minéralogistes désignent les silicates comme des sels d’acides siliciques plus ou moins hypothétiques:

 

Cependant, cette nomenclature ne traduit aucunement les structures atomiques établies par les rayons X. Les anions isolés tels que Si2O52- et Si3O84- n’ont aucune réalité, ni en solution ni dans l’état solide. Aussi envisage-t-on actuellement une classification cristallochimique des silicates reposant sur l’arrangement des tétraèdres SiO4 et AlO4, et leurs formules chimiques condensent schématiquement à la fois la composition chimique et l’arrangement atomique. Les tétraèdres (Si,Al)O4 peuvent être indépendants ou s’associer par leurs sommets, mais de tels tétraèdres ne peuvent avoir en commun ni une arête ni une face. Cet assemblage de tétraèdres (Si,Al)O4 possède une charge négative que neutralise celle des cations. Ceux-ci, tels Mg, Fe, Al hexacoordonnés, se trouvent aux centres d’octaèdres quasi réguliers d’atomes d’oxygène, dont les arêtes ont une longueur voisine de celle du tétraèdre SiO4; de sorte que les silicates qui ont une importance géochimique apparaissent comme des arrangements de tétraèdres et d’octaèdres d’oxygènes avec des arêtes communes.

Toutefois, certains silicates, relativement rares, à faible teneur en silice, contiennent de fortes teneurs de gros cations dont l’arête du polyèdre de coordination ne s’ajuste pas à celle du tétraèdre SiO4. Comme l’a montré l’école des cristallographes russes avec N. V. Belov, pour ces silicates, c’est l’arrangement des polyèdres des atomes d’oxygène entourant les gros cations qui conditionne la structure atomique et les propriétés cristallographiques; la silice intervient sous la forme de groupes de deux tétraèdres SiO4 liés par un sommet, avec la formule Si2O7, qui s’adaptent aisément sur le réseau des gros cations grâce aux variations de l’angle de liaison Si–O–Si des deux tétraèdres associés.

Dans la classification cristallochimique, les silicates se répartissent dans les familles suivantes :

1. Silicates à tétraèdres indépendants, ou nésosilicates (ncsov, île). Pour ces composés, aucun atome d’oxygène n’est lié à deux atomes de silicium. Les tétraèdres SiO4 sont des anions associés par l’intermédiaire des cations. Un exemple est la forstérite Mg2SiO4; et il n’y a aucun inconvénient à considérer ce silicate comme un orthosilicate. Dans cette famille, le rapport atomique Si/O est, au plus, égal à 1/4.

2. Silicates à groupes finis de tétraèdres, ou sorosilicates (syrov, groupe). Les tétraèdres d’un même groupe s’associent, dans ces minéraux, de telle sorte qu’un atome d’oxygène soit un sommet commun à deux tétraèdres. Le plus petit de ces groupes comprend deux tétraèdres et a pour formule Si2O7; c’est le cas de la thortveitite, silicate de scandium de formule Sc2Si2O7. Mais le groupe le plus fréquent est un anneau de tétraèdres, et c’est pourquoi on appelle les silicates de cette famille des cyclosilicates. Le plus petit anneau comprend trois tétraèdres et a pour formule Si3O9, comme dans le bénitoïte BaTiSi3O9. Un anneau a pour formule générale SinO3n. Le cas le plus fréquent correspond à n=6, comme dans le béryl Be3Al2Si6O18. Deux anneaux peuvent se lier par certains des sommets des tétraèdres; ainsi, deux anneaux hexagonaux Si6O18 peuvent fournir un double anneau de formule Si12O30.

3. Silicates en chaînes, ou inosilicates(iv, inov, fibre). Les tétraèdres s’associent dans ces composés pour former des chaînes linéaires infinies et les silicates correspondants ont souvent une texture fibreuse. Si la chaîne est simple, sa composition chimique est SiO3, et la composition chimique en même temps que les propriétés cristallographiques sont bien mises en évidence en faisant apparaître la formule chimique du maillon de la chaîne; ainsi, tous les silicates du groupe important des pyroxènes sont caractérisés par Si2O6, car le maillon résulte de l’association de deux tétraèdres. Deux chaînes de tétraèdres peuvent aussi s’unir pour former une double chaîne; par exemple, les amphiboles sont des silicates de compositions chimiques très variables, dont les analogies chimiques et physiques très étroites proviennent de la présence d’une double chaîne linéaire dont le maillon a pour formule Si4O11.

4. Silicates lamellaires, ou phyllosilicates (fullon, feuille). Dans ce cas, les chaînes de tétraèdres mettent en commun certains de leurs sommets pour constituer des réseaux plans. Ainsi, deux chaînes de pyroxènes juxtaposées, de maillon SiO3, fournissent la double chaîne des amphiboles Si4O11; si l’association des chaînes se poursuit, de telle façon que trois atomes de chacun des tétraèdres soient communs à trois autres tétraèdres, on aboutit à un réseau plan de tétraèdres, liés par trois de leurs sommets, dont la composition chimique est Si2O5. Cette couche est l’élément structural fondamental d’un grand nombre de silicates qui se caractérisent par un clivage très facile, comme les micas, les chlorites, le talc et les minéraux des argiles.

5. Silicates à charpente tridimensionnelle, ou tectosilicates (de tektonia, charpente). Les tétraédres SiO4 forment une charpente continue dans les trois dimensions de l’espace si chacun des oxygènes devient commun à deux tétraèdres; la formule chimique correspond à SiO2. Les différentes silices sont, en effet, caractérisées par un tel enchaînement de tétraèdres. Dans les silicates de ce type, les siliciums aux centres des tétraèdres sont plus ou moins remplacés par des ions Al3+; et la charpente (Si,Al)O2 devient, à la dimension du cristal, un anion dont la charge négative est compensée par la charge positive du réseau des cations. Les tectosilicates les plus importants sont les feldspaths, les feldspathoïdes et les zéolites.

6. Hétérosilicates. Cette classe de silicates caractérise ceux pour lesquels l’arrangement des tétraèdres SiO4 ne prédomine plus. La structure peut mettre en évidence, par exemple, les tétraèdres indépendants des nésosilicates en même temps que des groupements tels que Si2O7 des sorosilicates. C’est le cas de la clinozoïsite, avec la formule Ca2Al3(O,OH)(SiO4)(Si2O7).

2. Synthèses et transformations

Voie sèche

Certains silicates peuvent aisément être reproduits au laboratoire par voie sèche en portant le mélange des oxydes de leurs constituants à une température suffisamment élevée. Les silicates des basaltes, par exemple, s’obtiennent par cette méthode simple. Et, depuis la fin du siècle dernier, on a établi, dans divers laboratoires du monde, un très grand nombre de diagrammes d’équilibre de systèmes binaires ou ternaires tels que SiO2_MgO_FeO ou CaO_Cr2O3_SiO2, qui se rapportent à d’importantes familles de silicates telles que celles de l’olivine, des pyroxènes, des grenats. Ces diagrammes d’équilibre présentent un très grand intérêt non seulement pour les minéralogistes et les pétrographes, mais aussi pour les céramistes et les métallurgistes. Cependant, des phases solides qui coexistent en équilibre à une température élevée se transforment quand la température s’abaisse [cf. MAGMATIQUES (ROCHES)]. Les équilibres s’établissent d’autant plus difficilement que la température est plus basse, à moins que n’interviennent des minéralisateurs. Ce sont des composés (oxydes alcalins et alcalino-ferreux) qui agissent en petite quantité, en attaquant chimiquement la surface des formes thermodynamiquement stables. Les minéralogistes, les céramistes les emploient constamment; ils font toujours, depuis les travaux de C.N. Fenner et de H. Le Chatelier au début de ce siècle, l’objet d’études actives.

Action de l’eau

La présence d’inclusions aqueuses dans les minéraux des roches éruptives, comme le quartz, a conduit certains minéralogistes, vers 1850, à faire jouer à l’eau un rôle essentiel dans la genèse de certains silicates. La solubilité importante de la silice dans l’eau [cf. SILICE] lui confère à la fois une mobilité et une réactivité considérables qui font jouer aux solutions hydrothermales un rôle prédominant dans la genèse des minéraux des roches éruptives comme les granites et les pegmatites, des roches métamorphiques et de certaines roches sédimentaires, c’est-à-dire des roches les plus superficielles de l’écorce terrestre. Ces minéraux sont essentiellement des tectosilicates et les silices.

Les roches cristallines, dans la zone de cémentation, subissent des transformations importantes sous l’action de l’eau: les feldspaths calcosodiques se décomposent en fines paillettes de mica (séricite); la biotite donne une chlorite. Dans la zone superficielle, l’altération météorique désagrège d’abord la roche en arène, et l’hydrolyse des feldspaths, suivant les climats et le régime des pluies, aboutit à la formation des bauxites et des argiles (cf. ALTÉRATION DES RO- CHES, ARGILES ET MINÉRAUX ARGILEUX, BAUXITES).

3. Les tectosilicates

Toutes les formes de silice à l’exception de la stishovite [cf. SILICE] peuvent être considérées comme des tectosilicates, car leur structure atomique est un assemblage des mêmes tétraèdres quasi réguliers SiO4 liés entre eux par leurs quatre sommets (fig. 1); comme chacun des atomes d’oxygène se trouve lié à deux atomes de silicium, la composition chimique correspond à la formule SiO2. Les formes les plus importantes de silice cristallisée, des points de vue géochimique et industriel, sont le quartz, la tridymite et la cristobalite .

Dans les tectosilicates proprement dits, les tétraèdres quasi réguliers des ions oxygène, avec, en leurs centres, soit un ion silicium, soit un ion aluminium, s’associent par leurs quatre sommets pour former une charpente tridimensionnelle, de composition (Si,Al)O2, constituant un macroanion dont la charge négative est neutralisée par certains cations. L’atome d’aluminium jouant le rôle géométrique de l’atome de silicium, les tectosilicates apparaissent comme des aluminosilicates, dans lesquels les atomes Si sont au moins aussi nombreux que les atomes Al. De sorte que un ion oxygène peut être lié à deux ions Si4+ par deux valences électrostatiques (au sens de Pauling : charge de l’ion divisée par sa coordination) qui le rendent «inactif», ou à deux ions, Si4+ et Al3+, qui lui adressent une valence électrostatique 1 + 3/4. Cet oxygène «actif» est donc lié à des cations dont il reçoit 1/4 de valence électrostatique pour neutraliser sa charge _ 2. Or, des ions tels que Mg2+ et Fe2+, aux centres d’octaèdres réguliers d’atomes d’oxygène (coordination 6), possèdent une valence électrostatique 2/6 = 1/3, qui est trop grande. Aussi n’entrent-ils jamais dans la composition chimique des tectosilicates. Par contre, des ions plus volumineux tels que Ca2+, Ba2+, de coordination 8, ou des ions alcalins K+, Na+, Li+, dont la valence électrostatique reste inférieure à 1/4, conviennent. On trouve cependant, dans certains tectosilicates, de petites quantités de fer sous la forme d’ions Fe3+ qui remplacent Al3+ dans les tétraèdres d’oxygène. La formule générale de tous les tectosilicates, en faisant abstraction de l’eau d’hydratation, peut s’écrire :

 

 et c’est pourquoi on les désigne encore comme des «aluminosilicates du type SiO2». Ces considérations générales expliquent que, dans la cristallisation d’un magma acide, c’est-à-dire riche en silice, ou basaltique, des éléments chimiques relativement abondants comme le magnésium, le fer, le chrome entrent dans la composition des pyroxènes, des amphiboles, des micas et non dans celle de minéraux essentiels tels que les feldspaths.

Les feldspaths

Les feldspaths sont les tectosilicates les plus importants; ils forment plus de 60 p. 100 de l’écorce terrestre, en tant que minéraux dominants des roches éruptives et métamorphiques. Du point de vue chimique, ce sont des solutions solides du système ternaire KAlSi3O8_NaAlSi3O8_CaAl2Si2O8 qui se divisent en deux groupes : les feldspaths alcalins, contenant peu de calcium, et les feldspaths calcosodiques ou plagioclases Na1xCaxAl1+xSi3-xO8, dont la teneur en potassium est toujours très faible.

Les propriétés cristallines et physiques des feldspaths, en particulier leur densité et leurs propriétés optiques, présentent des analogies étroites. Cependant, leurs faibles différences ne dépendent pas uniquement de la composition chimique, mais aussi de la température et des conditions de leur cristallisation en même temps que de leur histoire thermique. Aussi le polymorphisme des feldspaths a-t-il fait l’objet de très nombreuses recherches en vue d’expliquer la genèse des roches dont ces minéraux constituent la partie la plus importante. Les résultats qui ont éclairé le plus ces problèmes difficiles de physique cristalline résultent de recherches, poursuivies pendant plusieurs décennies, sur la détermination précise de la position des atomes dans le réseau des différents feldspaths grâce à la diffraction des rayons X.

Le feldspath potassique KAlSi3O8 se présente sous une forme stable à haute température, la sanidine, monoclinique, et sous une forme triclinique, le microcline, stable aux basses températures, le point d’une transformation difficile se situant vers 700 0C. L’orthose (ou orthoclase), monoclinique, qui est le nom commun du feldspath potassique, représente un état intermédiaire entre la sanidine et le microcline; l’adulaire est une orthose qui a cristallisé, à une température voisine de 400 0C, avec un faciès particulier. Ces divers feldspaths proviennent de l’arrangement plus ou moins ordonné des ions Si et Al dont les tailles sont différentes; comme les distances Si-O et Al-O ont respectivement pour valeur 0,161 nm et 0,175 nm, les rayons X permettent de situer ces atomes Si et Al. Aux températures élevées, les ions Si et Al sont distribués au hasard à l’intérieur des mêmes sites tétraédriques dans un désordre total (cf. FELDSPATHS, fig. 4); au contraire, dans le microcline, dont la triclinicité est maximale, les atomes Si et Al occupent des sites bien définis dans un ordre parfait; mais la cinétique de la transformation est très lente et l’on observe tous les états intermédiaires. Ce degré d’ordre peut être mesuré avec les rayons X; il fournit une donnée précieuse pour retracer l’histoire thermique des roches qui contiennent ces feldspaths.

On retrouve les mêmes faits structuraux avec l’albite, feldspath sodique NaAlSi3O8, qui, à l’état naturel, se présente sous une forme triclinique, ordonnée quant aux Si et aux Al, stable à basse température; chauffée, elle fournit d’abord l’analbite , triclinique, désordonnée, et, à température plus élevée, la monalbite, monoclinique. L’action hydrothermale de solutions, soit sodiques, soit potassiques, transforme facilement les feldspaths alcalins les uns dans les autres et l’on obtient toujours dans ce cas, même en opérant à des températures relativement basses (ne dépassant pas 400 0C), les formes désordonnées. Les plagioclases constituent une série continue depuis l’albite jusqu’à l’anorthite  CaAl2Si2O8.

Les structures atomiques des feldspaths sont très voisines; ces minéraux possèdent deux clivages faciles dont l’angle est droit dans les formes monocliniques (d’où l’origine du mot «orthose»), très voisin d’un angle droit (900 30H) dans le microcline; dans les plagioclases, les clivages sont plus obliques et font un angle voisin de 940. Le baryum peut entrer dans la composition des feldspaths potassiques et l’on connaît, à l’état naturel, le feldspath BaAl2Si2O8, monoclinique : le celsian .

Les feldspaths alcalins sont généralement associés. À température élevée peuvent exister des phases homogènes (K,Na)AlSi3O8 depuis l’orthose jusqu’à l’albite; mais, au refroidissement, deux phases se séparent, l’une riche en potassium, l’autre en sodium, et s’orientent dans des directions cristallographiques bien définies. Cette «épitaxie» est une perthite  quand l’orthose domine, une antiperthite  quand c’est l’albite. On trouve à l’état naturel et on reproduit au laboratoire des solutions solides d’analbite avec des fortes teneurs de potassium, qui sont des anorthoses  ou anorthoclases .

Les feldspathoïdes

Les feldspathoïdes sont des tectosilicates des roches éruptives et des roches volcaniques moins riches en silice que les feldspaths. Citons la néphéline  NaAlSiO4, la kalsilite  et la kaliophilite , de formule voisine, la leucite  KAlSi2O6, que l’on trouve dans les roches volcaniques en trapézoèdres parfaitement réguliers parce que ce minéral a cristallisé à une température supérieure à 625 0C, où il est cubique; au-dessous de cette température, la leucite devient quadratique, et les cristaux, gardant leur forme, sont constitués par des microcristaux quadratiques maclés. On peut rapprocher de la leucite, par ses propriétés cristallochimiques et parce qu’elle peut apparaître dans les mêmes roches, l’analcime  NaAlSi2O6.H2O, cubique, qui est une zéolite. Les silicates du groupe de l’outremer  possèdent une charpente aluminosilicique plus ouverte que celle des feldspaths; ces minéraux cubiques sont principalement la sodalite , de formule Na8Al6Si6O24Cl2, la noséane  Na8Al6Si6O24.SO4, la haüyne  (Na,Ca)8-4Al6Si6O24(SO4)2-1, la lazurite  ou outremer  (Na,Ca)8Al6Si6O24(SO4,S,Cl)2; le lapis-lazuli, roche constituée presque exclusivement d’outremer, d’une belle couleur bleue, est exploité, depuis des temps immémoriaux, dans les mêmes gisements de l’Hindou Kouch, en Afghanistan, pour la fabrication d’objets d’ornement et, pendant longtemps, fut utilisé comme pigment de peinture. De ce groupe se rapprochent la cancrinite  Na6Ca(Al6Si6O24)CO3.3H20 et les scapolites  ou wernérites , solutions solides de la marialite  Na4Al3Si9O24Cl et de la méionite  Ca4Al6Si6O24(SO4,CO3), rencontrées dans des roches métamorphiques ou métasomatiques riches en calcium.

Les zéolites

Les zéolites sont des tectosilicates hydratés dont la charpente aluminosilicique (Al,Si)x O2x  présente de grandes «cages», communiquant par des «tunnels» plus ou moins larges, où se logent les cations et les molécules d’eau. La structure atomique de ces composés, dont la formule générale peut s’écrire :

 

 leur confère des propriétés physico-chimiques remarquables qui tiennent à la mobilité exceptionnelle des molécules d’eau et des cations; à côté des zéolites naturelles, les multiples applications industrielles ont conduit à la synthèse de nombreux composés analogues par leurs propriétés cristallochimiques.

L’eau zéolitique . Les zéolites perdent leur eau, dans une atmosphère sèche ou quand on les chauffe, et la récupèrent réversiblement tout en demeurant parfaitement homogènes. On les a comparées à des «éponges» dont la teneur en eau est fonction de la température et de la tension de la vapeur d’eau. Une zéolite déshydratée, dite activée, réabsorbe son eau avec un grand dégagement de chaleur; mais l’eau peut être remplacée par l’ammoniac, le gaz carbonique, l’hydrogène sulfuré, des molécules organiques, pourvu que leurs formes et leurs dimensions leur permettent de circuler dans les tunnels et d’occuper les cages du réseau cristallin.

La facilité d’échange des cations  est une propriété connue depuis longtemps. Au contact de solutions de différents sels dès la température ordinaire, il y a échange des cations Na+, K+, Ca2+, Ba2+. Cette propriété de «permutite» reçoit différents usages, par exemple pour adoucir les eaux. Cet échange des cations s’observe aussi dans les feldspaths et les feldspathoïdes, mais, comme la charpente aluminosilicique de ces tectosilicates est plus compacte, ainsi que l’indiquent les densités (feldspaths, entre 2,6 et 2,7; feldspathoïdes, 2,3 et 2,5; zéolites, 2,0 et 2,3), il faut opérer dans des conditions hydrothermales, c’est-à-dire à des températures et à des pressions de vapeur d’eau élevées. Les zéolites se comportent en véritables «tamis moléculaires», capables de séparer des cations ou des molécules de dimensions différentes.

Parmi les principales applications industrielles , on peut citer le séchage des gaz et des liquides organiques renfermant des traces d’eau, la séparation des différents carbures dans l’industrie pétrolière, enfin la purification de produits organiques. On utilise généralement, pour ces applications, des zéolites synthétiques.

Les zéolites naturelles comprennent un grand nombre d’espèces que l’on classe en plusieurs groupes d’après les analogies cristallographiques :

 les zéolites fibreuses  se présentent en cristaux allongés, avec deux clivages faisant un angle voisin de 900. Ce sont : le mésotype  (ou natrolite ) Na2Al2Si3O10.2H2O; le mésolite  Na2Ca2(Al2Si3O10)3.8H2O; la thomsonite  NaCa2Al5Si5O20.6H2O; la scolécite  CaAl2Si3O10.3H2O; enfin l’édingtonite  BaAl2Si3O10.4H2O.

 Les zéolites lamellaires , avec un clivage parfait, comprennent : la heulandite  et la clinoptilolite , qui lui est apparentée, de formule (Ca,Na2)Al2Si7O18.6H2O; la stilbite  ou desmine , très voisine chimiquement; l’épistilbite  CaAl2Si6O16.5H2O; la brewstérite  (Ca,Ba,Sr)Al2Si6O16.5H2O.

 Dans le groupe de la gismondine  (orthorhombique) CaAl2Si2O8.4H2O, on trouve la laumontite  CaAl2Si4O12.4H2O et la mordénite  (Ca,Na2)Al2Si10O24.7H2O.

 Le groupe de la phillipsite  (monoclinique) KCaAl3Si5O16.6H2O est représenté principalement l’harmotome , de formule BaAl2Si6O12.6H2O.

 Le groupe de la chabasie  (rhomboédrique) CaAl2Si4O12.6H2O comprend la gmélinite  et la lévyne , avec la même formule chimique.

 La faujasite  Na2CaAl4Si8O24.16H2O et l’analcime  NaAlSi2O6.H2O sont toutes deux cubiques.

Parmi les zéolites artificielles, certaines sont des faujasites ou des phillipsites.

4. Les phyllosilicates

Les phyllosilicates présentent un clivage parfait; ils ont une structure atomique lamellaire où le feuillet est constitué par des tétraèdres SiO4 dont les bases, reposant dans un même plan sont liées par leurs trois sommets (fig. 2). Les atomes d’oxygène de ces bases sont au contact et disposés aux sommets d’hexagones réguliers. Les oxygènes aux sommets des tétraèdres forment des hexagones réguliers plus grands, aux centres desquels se logent des oxhydriles OH ou des ions fluor. Ce feuillet, que l’on appelle aussi couche tétraédrique , peut être défini à partir d’une maille rectangulaire centrée de paramètres a  = 0,52 nm (2 fois le diamètre de l’ion oxygène) et b  = a j3 = 0,9 nm. Il constitue un macroanion infini plan dont le motif (contenu de la maille) a pour composition chimique Si4O10(OH)26-, et, dans ce cas, la couche est dite tétrasilicique ; le quart ou la moitié des atomes Si peuvent être remplacés par des atomes Al, les motifs deviennent AlSi3O10(OH)27- dans la couche trisilicique  et Al2Si2O10(OH)28- dans la couche disilicique .

Les couches tétraédriques, de charge négative, sont liées par des feuillets de cations tels que Mg2+, Al3+, de coordination 6, se trouvant de la sorte aux centres d’octaèdres quasi réguliers. Ainsi, à la couche tétraédrique succède une couche octaédrique , ces deux couches ayant en commun les 4 atomes d’oxygène sommets des tétraèdres et 2 oxhydriles (fig. 3); La maille élémentaire (a  = 0,52 nm; b  = 0,9 nm) contient six cavités octaédriques. Si elles sont toutes occupées par des ions bivalents tels que Mg2+, la couche est dite trioctaédrique . Si les deux tiers de ces cavités sont occupés par des ions trivalents tels que Al3+, la couche est dite dioctaédrique .

En faisant intervenir le nombre respectif et le mode d’association des couches tétraédriques et octaédriques, constituant le feuillet élémentaire, on répartit les phyllosilicates dans trois groupes structuraux.

Groupe kaolinite-serpentine (0,7 nm)

Le feuillet élémentaire est simplement l’association d’une couche tétraédrique et d’une couche octaédrique; son épaisseur, mesurée avec les rayons X, est de 0,7 nm. Ce groupe est désigné, dans la nomenclature des argiles, par 1/1 (fig. 4). Le plus important des minéraux de ce groupe est la kaolinite  Al4Si4O10(OH)8, qui est dioctaédrique. C’est l’élément essentiel des kaolins, utilisés en céramique et comme charge dans les industries du papier, du caoutchouc, des peintures. Les minéraux apparentés à la kaolinite, ou «kandites», sont la dickite  et la nacrite , formes polymorphes de la kaolinite, l’halloysite  Al4Si4O10(OH)8.4 H2O, avec une couche de molécules H2O entre les feuillets de la kaolinite qui se succèdent alors dans un désordre total, avec un intervalle de 1,01 nm; en perdant son eau, par chauffage au-dessous de 100 0C, elle donne la métahalloysite  Al4Si4O10(OH)8. Les serpentines  Mg6Si4O10(OH)8 sont trioctaédriques; ce sont des minéraux verdâtres, parfois riches en nickel dans la variété dite garniérite , et dont les espèces les plus communes sont l’antigorite  et le  chrysotile  ; ce dernier, en fibres pouvant atteindre quelques centimètres, est utilisé dans l’industrie de l’asbeste.

Groupe talc-mica-montmorillonite (1 nm)

Le feuillet élémentaire est constitué par deux couches tétraédriques entre lesquelles se trouve la couche octaédrique, d’où leur symbole 2/1. On désigne aussi ce groupe comme celui des «phyllites à 1 nm», 1 nm étant l’épaisseur du feuillet. Le feuillet est électriquement neutre dans le talc  Mg3Si4O10(OH)2, qui est trioctaédrique, et la pyrophyllite  Al2Si4O10(OH)2, dioctaédrique. Ce sont des constituants des argiles; ils peuvent se présenter sous une forme compacte dans les stéatites . Le talc et la pyrophyllite ont de nombreuses applications industrielles: isolants thermiques et électriques, charge dans des matériaux divers comme le papier, le caoutchouc, les savons.

Les minéraux apparentés à la montmorillonite , ou smectites , sont aussi des constituants importants des argiles. Ils sont intermédiaires entre les minéraux du groupe talc-pyrophyllite et les micas en ce sens que le feuillet possède une charge négative inférieure à celle des micas. Il en résulte que des cations facilement échangeables et des molécules d’eau assurent une liaison peu solide des feuillets dont l’épaisseur varie, suivant l’état d’hydratation, entre 1 nm et 2 nm. La montmorillonite , de formule (H,Na,Ca1/2)x  (Mgx Al2-x )Si4O10(OH)2, est dioctaédrique; dans la nontronite , l’ion Fe3+ remplace en partie Al3+. La saponite  est une smectite trioctaédrique plus riche en aluminium. Les vermiculites  représentent les termes extrêmes de la série des smectites trioctaédriques avec un remplacement important des Si par des Al; quand on les chauffe au-dessus de 300 0C, la déshydratation produit des vermicules constituant un matériau de faible densité utilisé pour l’isolement thermique et acoustique.

Dans les micas , le feuillet possède une charge négative neutralisée par des ions potassium séparant les feuillets (fig. 5). Ce sont des constituants abondants des roches éruptives, métamorphiques et sédimentaires; dans ces dernières, ils peuvent intervenir comme éléments essentiels des argiles (illites); la composition chimique est très variable et se traduit par la formule générale:

 

 avec, pour X, Y, Z, par ordre d’importance:

 

 On distingue aisément, aux rayons X, les micas dioctaédriques , dans lesquels Y = 2, des micas trioctaédriques , avec Y = 3.

Les principaux micas dioctaédriques sont la muscovite  KAl2(AlSi3)O10(OH)2, à laquelle s’apparentent les illites , la paragonite  NaAl2(AlSi3)O10(OH)2, la margarite  CaAl2(Al2Si2O10)(OH)2. Les micas trioctaédriques sont principalement les Lépidolites  KLi(3+x) /2Al(3-x) /2(Al1-x Si3+x ) O10(OH,F)2, la Zinnwaldite  KLiFeAl(AlSi3) O10(OH,F)2, enfin les biotites , qui désignent l’ensemble des micas noirs, trioctaédriques, disiliciques à trisiliciques, dont le terme trisilicique est la phlogopite .

La glauconie  est une phyllite dioctaédrique ferrifère, présente, en grains cryptocristallins de couleur verte, dans les roches sédimentaires; du point de vue cristallochimique, elle s’apparente aux micas.

Groupe des chlorites (1,4 nm)

Le feuillet élémentaire comprend deux couches tétraédriques incluant une couche octaédrique comme dans la phlogopite, auxquelles succède une couche complète du type brucite Mg(OH)2 dans laquelle une partie de Mg2+ est remplacée par Al3+; le symbole est 2/1/1. L’épaisseur du feuillet est de 1,4 nm, d’où la désignation de «phyllites à 1,4 nm» (fig. 6). La formule générale est:

 

 Les chlorites bien cristallisées, de couleur verte, à clivage parfait flexible, mais non élastique comme celui des micas, se trouvent dans les roches métamorphiques; on les désigne par le terme orthochlorites . Les chlorites interviennent aussi dans certaines roches sédimentaires et certaines argiles comme constituants essentiels; ce sont les leptochlorites , plus riches en fer trivalent et plus pauvres en eau que les orthochlorites. Les chlorites les plus siliceuses sont les pennines ; puis viennent les clinochlores ; on appelle prochlorites  les moins siliceuses.

Apophyllite et prehnite

Certains phyllosilicates ont des feuillets élémentaires structuralement différents du feuillet hexagonal des silicates lamellaires précédents. C’est le cas de l’apophyllite  KCa4Si8O20F . 8 H2O, qui est quadratique et que l’on trouve dans les basaltes, accompagnant des zéolites. Du point de vue chimique et par des modes de gisement, on peut en rapprocher la prehnite , de formule Ca2Al2Si3O10(OH)2.

5. Les inosilicates

Chaîne simple

Parmi les inosilicates à chaîne simple, les plus importants du point de vue pétrographique sont ceux dont le maillon comprend deux tétraèdres avec une période égale à deux fois le diamètre de l’ion oxygène, soit 0,52 nm (fig. 7), et la chaîne constitue l’anion (Si2O6)d4-. Ils forment le groupe des pyroxènes  silicates de magnésium, de fer et de calcium, qui sont des constituants importants des roches éruptives. Si les espèces minérales de ce groupe sont nombreuses, leur parenté cristalline est étroite et se manifeste dans les formes cristallines, les deux clivages faisant un angle voisin de 930, et leur spectre de rayons X. On distingue cependant: les orthopyroxènes , orthorhombiques, solutions solides de formule (Mg,Fe)2Si2O6, avec l’enstatite  Mg2Si2O6 et, avec des teneurs croissantes en fer, la bronzite , l’hypersthène  et l’orthoferrosilite  Fe2Si2O6; les clinopyroxènes , monocliniques, plus variés du point de vue chimique et dont les principaux sont le diopside  CaMgSi2O6, l’hédenbergite  CaFeSi2O6, le spodumène  LiAlSi2O6 (dont la variété verte, l’hiddénite , et la variété rose, la kunzite , sont utilisées en joaillerie), la jadéite  NaAlSi2O6, l’aegyrine  NaFeSi2O6, la pigeonite  (Mg,Fe,Ca)2Si2O6, l’augite  (Ca,Na)(Mg,Fe,Al,Ti)(Si,Al)2O6.

La chaîne se complique dans la wollastonite  CaSiO3 avec un maillon de trois tétraèdres (fig. 8), la rhodonite  (Mn,Ca)SiO3 avec un maillon de cinq tétraèdres (fig. 9), la pyroxmangite  (Mn,Fe,Ca,Ng)SiO3 avec un maillon de sept tétraèdres (fig. 10).

Chaîne double

Deux chaînes simples peuvent, en mettant certains de leurs atomes d’oxygène en commun, former une chaîne double ou ruban. La période la plus courte que l’on puisse concevoir a pour valeur 0,27 nm, diamètre de l’ion oxygène (fig. 11), et sa formule serait (Si2O5)d2-; mais on ne l’observe pas dans les silicates, car une telle distance Si-Si est trop courte. Cependant, elle existe dans la sillimanite , dans laquelle chaque tétraèdre Si a pour voisins trois tétraèdres Al et réciproquement; les chaînes sont associées par des ions Al+3 hexacoordonnés par les oxygènes des chaînes, et la formule de la sillimanite s’écrit Al(AlSi)O5 pour distinguer entre eux les aluminiums de coordinations 4 et 6.

La double chaîne la plus importante résulte de l’association de deux chaînes (Si2O6)d des pyroxènes (fig. 12); sa formule (Si4O11)d est celle des amphiboles , constituants importants des roches. Les cristaux présentent deux clivages parfaits dont l’angle varie entre 540 et 560. Leur formule générale est X2-3Y5Z8O22(OH,F)2, dans laquelle X désigne des cations mono- ou bivalents volumineux, les rayons ioniques étant compris entre celui de Mg2+ (0,066 nm) et celui de K+ (0,133 nm); Y des cations bi- ou trivalents de rayons ioniques compris entre 0,051 nm (Al3+) et 0,080 nm (Mn2+); et Z, essentiellement Si, pouvant être remplacé partiellement (1/4) par Al ou Fe3+. Les minéralogistes distinguent: les amphiboles du groupe de l’antophyllite , orthorhombique, (Mg,Fe)7Si8O22(OH,F)2; les amphiboles calciques , monocliniques, comme la trémolite  Ca2Mg5Si8O22(OH,F)2, utilisée dans l’industrie de l’amiante, l’actinolite , où Fe2+ remplace partiellement Mg, et la forme la plus commune, la hornblende ; enfin, le groupe des amphiboles sodiques  telles que le glaucophane  Na2Mg3Al2Si8O22(OH,F)2 et la riébeckite , plus riche en fer.

On rapproche des amphiboles l’aenigmatite  (Na,Ca)(Fe2+,Ti,Al,Fe3+)5O3(Si4O11).

6. Les sorosilicates

Les sorosilicates les plus simples, du point de vue structural sont ceux qui comportent le groupe Si2O7 de deux tétraèdres SiO4 associés par un sommet, et que l’on a appelé diorthosilicates  ou encore pyrosilicates . Avec le silicate de scandium Sc2Si2O7, la thorveitite , on peut citer: les minéraux du groupe de la mélilite  (Ca,Na,K)2(Mg,Al)(Al,Si)2O7, tous quadratiques; l’hémimorphite  ou calamine , important minerai de zinc, qui était considérée comme l’orthosilicate Zn2SiO4 . H2O, mais dont l’étude structurale a conduit à la formule Zn4Si2O7(OH)2O; la lawsonite  CaAl2Si2O7(OH)2 . H2O; enfin, l’ilvaïte  CaFe22+Fe3+Si2O7O(OH).

Le groupe de l’épidote  comprend la série isomorphe X2Y3(Si2O7)(SiO4)O(OH,F), avec X = Ca2+, Fe2+, Mn2+, Mn3+, Ce3+, La3+, Y3+, Th4+, et Y = Al3+, Fe3+, Fe2+, Nn3+, Mn2+, Ti4+; les principaux termes sont la zoïsite  et la clinozoïsite  (X2Y3 = Ca2Al3), l’épidote  avec Ca2(Fe3+Al2), l’allanite  ou orthite  avec (Ca,Ce,La,Y)2(Mn,Fe,Al)3. On retrouve aussi des groupes SiO4 et Si2O7 dans la vésuvianite  (ou idocrase ) et la pumpellyite , caractéristique du faciès métamorphique de certains schistes.

Parmi les cyclosilicates , l’anneau le plus petit des tétraèdres SiO4, de composition Si3O96-, n’apparaît que dans un petit nombre de minéraux comme la bénitoïte  BaTiSi3O9 et la catapléite  Na2ZrSi3O9 . H20; l’anneau de quatre tétraèdres, Si4O128-, se trouve dans la neptunite  Na2FeTiSi4O12, qui accompagne la bénitoïte, et dans l’axinite  (Ca,Mn,Fe)3Al2(BO3)(Si4O11)(OH). L’anneau Si6O1812- apparaît, avec des formes et des symétries différentes, dans de plus nombreux silicates: le béryl  Be3Al2Si6O18 (fig. 13), dont la variété transparente, d’une belle couleur verte attribuée à la présence de chrome, est l’émeraude , l’une des pierres les plus précieuses de la joaillerie; la cordiérite  (Mg,Fe)2Al3(AlSi5)O18, qui intervient dans la constitution des roches éruptives; les tourmalines , de formule générale NaX3Al6(Si6O18)(BO3)3(OH,F), avec X = Li, Al dans l’elbaïte  et la rubellite  (incolores, rouges ou vertes), Mg dans la dravite  (incolore à brun plus ou moins foncé), Fe, Mn dans le shorl  (Noir), et qui se présentent souvent en beaux cristaux transparents pyroélectriques et sont des minéraux communs des granites dans lesquels se concentre le bore (fig. 14); ou encore le beau minéral transparent, vert, qu’est la dioptase  Cu6Si6O18 . 6H2O.

7. Les nésosilicates

Parmi les nésosilicates les plus importants, certains de densité élevée, ont une structure atomique qui est un assemblage compact d’ions oxygène. Dans la phénacite  Be2SiO4, la willémite  Zn2SiO4, l’eucryptite  LiAlSiO4, tous les cations sont tétracoordonnés, de sorte que chacun des oxygènes est commun à un tétraèdre SiO4 et à deux tétraèdres tels que BeO4; dans les olivines  (péridots ), solutions solides de la forstérite  Mg2SiO4 et de la fayalite  Fe2SiO4, les ions Mg et Fe sont hexacoordonnés. Les grenats  forment un groupe de minéraux cubiques X3Y2(SiO4)3 où X représente les ions bivalents Mg, Fe, Mn, Ca, et Y les ions trivalents Al, Cr, Fe. Avec Y = Al, on distingue le pyrope  (X = Mg), l’almandin  (X = Fe), la spessartine  (X = Mn), le grossulaire  (X = Ca); avec Y = Cr et X = Ca, l’ouwarovite ; avec Y = Fe et X = Ca, l’andradite , dont la variété transparente verte, appelée démantoïde , est recherchée pour la joaillerie. Le groupe du zircon  comprend, avec ce minéral quadratique ZrSiO4, la thorite  ThSiO4 et l’uranothorite  (Th,U)SiO4.

On désigne par nésosubsilicates  les silicates renfermant des tétraèdres SiO4 indépendants avec des oxygènes non liés aux siliciums: la sillimanite , l’andalousite , le disthène , formes polymorphiques de Al2SiO5, qui interviennent dans les roches métamorphiques et sont les indicateurs de la température et de la pression auxquelles elles ont été soumises; la mullite , très voisine de la sillimanite avec un rapport Si/Al variable, constituant essentiel des céramiques; la topaze  Al2SiO4(F,OH)2, dont les variétés gemmes sont recherchées; la staurotide  (Mg,Fe)2(Al,Fe)9O6(SiO4)4(O,OH)2, minéral de métamorphisme régional mésograde; le sphène  ou titanite  CaTiSiO5; les minéraux du groupe de la humite , de formule Mg(OH,F)2 . 3Mg2Si04, qui présentent des analogies chimiques et de genèse avec la forstérite; la datolite  CaBSiO4(OH); le chloritoïde , riche en aluminium et en fer, lamellaire.

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